Fenêtre sur cour manifestation agricole

Published on 18 mars 2024 |

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Manifestations agricoles : le silence des coop’

Beaucoup de choses ont déjà été écrites, à propos de la colère des agriculteurs et des revendications qu’ils portent en matière de revenus, d’inflation normative ou de dénonciation du libre-échange. Il y a pourtant des sujets étrangement absents des débats. Ce sont précisément ceux-là qu’a choisis d’explorer Mano, éleveur bigourdan, dans sa chronique « Fenêtre sur cour ».

Pschiiiiitttttt !!!

Classiques, les mesures gouvernementales proposées par le gouvernement pour résoudre la furie agricole. Des plans, des rétropédalages, du saupoudrage conjoncturel, des palabres, du ami-ami jetecarresselesomoplates avec certains. En gros, ce que j’appelle le « syndrome du verrat ».

Dans le lycée agricole où je subissais le formatage de l’époque concernant mon avenir de paysan, s’élevait une porcherie industrielle – de l’époque – avec bien sûr, pléthore de reproducteurs mâles. L’un d’entre eux se caractérisait par ses mensurations à faire pâlir un rhinocéros et son agressivité digne d’un tigre à la diète depuis une quinzaine.

Devant la porte de son antre, deux spécificités inhabituelles. Un immense panneau indiquant qu’il ne fallait pas approcher son menton à moins d’un mètre du muret délimitant son territoire sous peine d’être happé comme un vulgaire insecte et un tas de bois.

Pour pouvoir curer sa loge, le porcher, au premier assaut gueule ouverte, enfournait une bûche entre les mâchoires de Razorback, l’occupant le quart d’heure suivant à transformer le chêne en sciure, lui laissant, ainsi, l’opportunité de vaquer à ses occupations sans danger.

C’est cela que subit le monde agricole aujourd’hui, le syndrome du verrat. Des os à ronger…

Pourtant il existe des solutions. Pour résoudre un conflit, deux données sont indispensables. Bien poser le problème et s’adresser aux bons interlocuteurs. Le souci n’est pas conjoncturel. Il est largement de fond, structurel, récurrent.

Le décideur, c’est l’Europe et sa cohorte de commissaires non élus et irresponsables.

Le décideur, c’est le consommateur, sans moyens, perdu dans des rayons de logos et de publicités, corvéable à merci jusqu’à provoquer des émeutes pour du Nutella®.

Impossible d’envisager un changement profond, et de politique, et de comportement en quelques mois… Peine perdue.

Changer de stratégie

Mieux vaudrait dépenser son énergie et ses capacités de mobilisation à des objectifs réalisables, rapidement et efficacement, en contournant légalement les obstacles infranchissables.

Un exemple avec le grand absent des débats : les coopératives. Ou plutôt, les grands groupes coopératifs (ne tombons pas dans le piège, lui-aussi récurrent, de mélanger tous les œufs dans le même panier…).

Le paysan, comme il a perdu sa banque et son assurance, est en proie à perdre ses grandes coopératives, pourtant destinées, et largement soutenues pour cela, à tirer les prix vers le haut.

Ne serait-il pas possible, comme au Canada, d’instaurer une gouvernance à deux conseils d’administration, l’un qui défend la structure, l’autre qui défend les producteurs associés ?

Dès lors, les agriculteurs auraient la possibilité de consulter l’intégralité des comptes, filiales comprises, et ainsi disposer d’une part des bénéfices potentiels après valorisation des matières premières. Faut-il de l’Europe dans un tel système ? Non. Faut-il des années pour instaurer le système ? Non. Y a-t-il bouleversement de politique ? Non. C’est de la cuisine interne… Faut juste approcher la spatule, touiller un peu, histoire que ça éclabousse un peu les grands chefs. Faut pas avoir peur de se salir, quoi.

Et le négoce privé, me direz-vous. Aucun problème : il se mettra au pli s’il ne veut pas connaître un exode massif de ses poules aux œufs d’or vers la coopération…

Autre exemple. Les portiques sur le réseau routier.

Intéressant de les remettre en place, non pas pour taxer le fournisseur mais à l’inverse pour taxer l’acheteur qui ne joue pas le jeu et lui passer ses envies d’exotisme. Le libre-échange si adulé est-il mis en péril ? Non. L’écologie, si chouchoutée, en serait-elle un avantage collatéral ? Oui.

Malgré l’urgence, il faut profiter des derniers soins palliatifs gouvernementaux pour avoir du débat. Du débat sain, posé, orienté. Pas du débat de chaîne d’info où d’ailleurs il serait nécessaire, en premier lieu, que les intervenants annoncent leurs potentiels conflits d’intérêt… Comme pour le domaine médical où c’est obligatoire ; et rarement respecté. Mais ça toujours, faut pas rêver.

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